« NOUS PARTICIPONS AVEC NOS PARTENAIRES À UNE VÉRITABLE RÉVOLUTION DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ. »
À l’écouter, Isabelle Tartarin, directrice de la santé à la CPAM de Haute-Garonne, prend un réel plaisir à collaborer avec tous les acteurs de la santé de son département mais aussi avec ceux de la région. Le bouillonnement d’idées, de projets, d’activités qui saisit actuellement, en continue, l’univers de la santé d’Occitanie la conduit à travailler en partenariat avec tout le monde, sans préjugé ni un quelconque sentiment d’appartenance, avec respect pour ses partenaires et l’administration dont elle dépend, mais aussi avec lucidité. Travailler ensemble ! semble être son mot d’ordre personnel.
MÉDECIN D’OCCITANIE. Vous avez pu apprécier la grande révolution que vit depuis quelques années le monde de la santé. Les nouveaux modes d’organisation territoriale permettent aux professionnels de santé d’embrasser de nouvelles pratiques fondées sur la collaboration et la coopération, sur la coordination et sur l’éducation thérapeutique du patient. Ils semblent se les approprier. Pensez-vous que nous soyons sur le bon chemin ?
ISABELLE TARTARIN. Effectivement, nous connaissons des évolutions fortes dans le domaine de la santé. Si l’on prend l’exemple du département de la Haute-Garonne, les nouvelles pratiques fondées sur la coordination répondent aux attentes des professionnels de santé du département et on constate une montée en charge fulgurante de ces dispositifs, soit + 50 % par rapport à 2017. J’ajouterai que les actions structurantes engagées avec les partenaires institutionnels du territoire permettent à la CPAM de la Haute-Garonne de consolider les fondamentaux et d’opter pour des objectifs ambitieux en matière de Prévention et de Régulation des dépenses de santé pour les prochaines années. La Direction de la CPAM rencontre régulièrement des porteurs de projets s’engageant dans ces nouveaux modes d’organisation et conduisant des projets particulièrement innovants. Nous tâchons d’accompagner au mieux ces professionnels de santé d’un point de vue méthodologique pour aboutir à des projets économiquement structurés et reproductibles sur d’autres territoires. Si l’on prend le cas des projets de CPTS, plusieurs indicateurs renseignés par les porteurs de projet remontent à la CNAM. Nous sommes dans le déclaratif. Compte tenu de la qualité de ces éléments transmis, la Caisse Nationale peut émettre une évaluation et dès lors calculer le pendant financier pour ces CPTS. Notre rôle est d’avoir une vision globale sur un territoire de manière à gérer le retour des projets. Une homogénéisation dans la façon d’objectiver les résultats est nécessaire. En participant au même titre que nos partenaires URPS et ARS à l’accompagnement des porteurs de projets, nous apportons notre expertise sur des sujets qu’on connaît plus particulièrement et pour lesquels nous pourrons offrir notre connaissance du territoire (données statistiques, démographiques, géographiques, etc.). Il faut continuer sur cette voie-là.
MÉDECIN D’OCCITANIE. La Caisse Primaire de l’Assurance Maladie a été un des douze signataires de la Convention qui affiche un partenariat stratégique entre différents organismes de santé pour accompagner le déploiement des Communautés Professionnelles Territoriales de Santé en Occitanie. C’est une grande première en France. Pensez-vous que ce partenariat peut être exemplaire et dépasser les frontières de la Région ?
ISABELLE TARTARIN. Certainement, la volonté d’un fort partenariat a été actée par la signature, le 14 mars 2019, d’une convention de déploiement des Communautés Professionnelles Territoriales de Santé entre les URPS, l’ARS Occitanie et laDirection de la Coordination de la Gestion du Risque. La région Occitanie est, en la matière, déjà prise en modèle. Au regard de la signature de cette convention, on peut se dire que les choses ont profondément changé et que les nouvelles relations entre les libéraux et l’administration peuvent servir d’exemple : avant, ils travaillaient les uns à côté des autres, aujourd’hui, pour les mêmes motifs, les mêmes desseins, ils travaillent ensemble en conciliant les besoins et les attentes de chacun. La situation est à ce point mature qu’elle a conduit à ce genre de signature, qui, elle-même, doit conduire à une mise en œuvre sur le terrain.
MÉDECIN D’OCCITANIE. Un Dispositif de Soins Partagés en Psychiatrie et en santé mentale a été lancé à Toulouse au printemps 2017. Se présentant comme un support original à la pratique en psychiatrie du médecin traitant, il concerne un millier de généralistes et près de 300 psychiatres de l’agglomération toulousaine. Deux ans après son lancement, peut-on tirer un premier bilan ?
ISABELLE TARTARIN. Les retours perçus sur ces dispositifs sont extrêmement positifs. Dans le cadre du DSPP, les praticiens sont satisfaits. Actuellement, pour obtenir un rendez-vous avec un psychiatre, le délai a sérieusement diminué. De plusieurs semaines, comme c’est le cas partout en France, nous sommes tombés à une semaine, voire une dizaine de jours. Nous pensons d’ailleurs que l’extension de l’expérimentation sur l’agglomération Montpelliéraine sera l’occasion de confirmer que le modèle est reproductible. Nous restons particulièrement intéressés par les solutions qui pourraient être envisagées sur les territoires à très faible densité de professionnels de santé.
MÉDECIN D’OCCITANIE. L’Assurance maladie expérimente, dans quatre départements dont la Haute-Garonne, un système de prise en charge totale de consultations chez un psychologue pour les personnes souffrant de troubles en santé mentale légers à modérés. Quels sont les premiers enseignements de cette expérimentation ? Travaillez-vous sur d’autres évaluations dans des domaines similaires ?
ISABELLE TARTARIN. Avec le recul de plus d’un an sur cette expérimentation, nous pouvons dire que le dispositif mis en place sur la Haute-Garonne rencontre un certain succès : 331 psychologues cliniciens et psychothérapeutes ont souhaité participer au programme. A ce jour, 1 184 médecins généralistes ont au moins adressé un de leurs patients à un psychologue conventionné avec l’Assurance maladie. L’évaluation médico-économique qui se met en place nous donnera une analyse plus fine sur l’impact qualitatif de cette prise en charge. Cette évaluation est conduite par la Caisse Nationale qui est à l’origine de cette expérimentation et qui la suit de très près sur 4 départements, les Bouches-du-Rhône, les Landes, le Morbihan et le nôtre. Cette évaluation menée au niveau national aura un impact important dans la mesure où les enjeux économiques et de santé sont extrêmement forts. Il est nécessaire de pouvoir imaginer quelles pourraient être les conséquences d’un éventuel déploiement sur tout le territoire.
MÉDECIN D’OCCITANIE. Les relations que vous entretenez avec la médecine libérale sont-elles toujours au beau fixe ? si c’est nécessaire, que faut-il faire de part et d’autre pour améliorer ces relations ?
ISABELLE TARTARIN. D’un point de vue local, la CPAM de la Haute Garonne a toujours eu d’excellentes relations de travail avec les différents représentants de la médecine libérale. Il est vrai que de nouveaux rapports de confiance s’instaurent entre les libéraux et l’administration. Pour autant, il faut prendre le temps de s’écouter, pour comprendre les problématiques de chacun et avancer de manière corrélée. Au niveau de l’Assurance Maladie, on se met davantage, depuis quelques années, dans une approche que l’on pourrait qualifier d’accompagnement. Si nous progressons dans cette dynamique d’accompagnement, nous devons, à chaque fois, nous mettre à la place de nos vis-à-vis. Certes, nous avons des contraintes, mais nous faisons en sorte que ces contraintes s’adaptent aussi aux besoins. Nous essayons de concilier les souhaits des porteurs de projets et la réglementation. Cette approche montre que nous avons évolué. Nous avions, peut-être, une démarche par trop administrative. Aujourd’hui, il y a des tendances fortes d’évolution, pour ne pas dire de révolution dans le domaine de la santé. Nous y participons, avec d’autres : nous avançons ensemble pour le bien de tous !
Propos recueillis par Luc Jacob-Duvernet