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Le pari du changement : Faire du médecin le maillon fort des organisations sanitaires

Inutile d’ajouter au climat protestataire ambiant une énième contribution, elle se noierait dans la déferlante de communications idoines. Des évènements nouveaux inquiètent comme les mouvements sociaux dans le monde hospitalier, public ou privé. Le risque existe de voir des patients, dans des situations de vie des plus critiques, privés de la présence indispensable de soignants. Finalement, est-ce si étonnant dans une société où soigner est devenu un métier comme un autre ? La dimension humaine de l’engagement de chaque soignant peine à être reconnue, à mesure que sa propre souffrance émerge dans les statistiques. Qui veut penser qu’il existe un lien entre ces constats ?

Le débat traverse les siècles d’Hippocrate à Galien, s’accélère avec les progrès médicaux extraordinaires de la modernité du XX° siècle et ceux non moins mirifiques attendus de l’intelligence artificielle. Sciences et mythes continuent de converger en médecine et certains imaginent déjà le remplacement de l’homme-médecin par une machine bien plus fiable, en attendant l’avènement de l’éternité quand la machine aura définitivement remplacé l’homme.

A l’URPS, nous avons l’obligation d’être pragmatiques et de tenir compte du temps présent. « Ma santé 2022 » propose l’intégration des soins dits de ville aux schémas d’organisation des soins jusque-là purement hospitaliers. Le mot magique pour ce faire est tout trouvé : les données, d’autant qu’il s’agit du domaine d’excellence des technocrates de nos instances sanitaires. Elles sont imparables comme celles que vient de publier la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques). Tout le monde s’accorde à parler de déserts médicaux, de pénurie de l’offre de soins, du manque de médecins… Or la DREES nous dit que début 2019 il y avait 0,3 % de médecins de plus qu’en 2018.Pire, cette augmentation est constante et régulière depuis 2013 (environ 4 %). Le monde hospitalier dénonce d’une seule voix la fuite de ses effectifs médicaux vers l’espace merveilleux du paradis des pratiques libérales. Sur la même période le nombre de médecins d’exercice libéral exclusif ne fait que décroitre (environ 7 %) alors que celui des médecins hospitaliers a progressé d’environ 11 %. La subjectivité des chiffres est bien connue, mais tout laisse penser que ces données seront de peu d’incidence sur les discours ambiants.

Notre proposition est de toujours intégrer dans l’analyse des données, quelles qu’elles soient, celles issues des pratiques de terrain. La médecine est relationnelle, penser les organisations sans cette dimension prend le risque de bâtir des systèmes coupés des aspects humains. Il est urgent de changer de procédure pour donner au médecin une place centrale dans la mise en place comme dans le pilotage de chaque organisation sanitaire. C’est l’ambition de l’engagement des URPS dans la création des CPTS, en amont même de la lettre d’intention, pour donner suite à la convention signée en mars dernier avec l’agence régionale de santé et les caisses primaires d’assurance maladie.

La réussite de ce pari irait dans le sens des pistes ouvertes par la nouvelle directrice de la DGOS, Madame Katia Julienne qui propose d’instaurer une co-responsabilité dans la gouvernance des GHT entre le président de la CME et le directeur d’établissement. Celle-ci s’étendrait sur la signature du CPOM, des contrats et projets de pôle et sur les nominations. Cette cogestion doit aussi s’expérimenter et s’appliquer dans les établissements privés à but lucratif, où les médecins libéraux qui y exercent doivent être associés, dans les mêmes conditions, à la gestion de leur établissement. Ce chemin est long, non encore consensuel mais il convient de l’emprunter sans délai.

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