Entretien avec Patrick Hassenteufel, professeur de sciences politiques
Une hausse des consultations : un levier suffisant pour l’attractivité ?
Depuis le 1er décembre, le tarif des consultations chez les généralistes a été revalorisé à 30 €, une avancée importante après des années de revendications. Cette mesure, financée par la Sécurité sociale et les complémentaires santé, fait partie d’une convention signée en juin, qui inclut aussi des objectifs de qualité comme la réduction des prescriptions inutiles.
Pour Patrick Hassenteufel, cette augmentation répond à une demande forte des syndicats, mais ne suffit pas à résoudre les défis d’attractivité. « La hausse a une dimension symbolique, en compensant la frustration des libéraux exclus du Ségur de la santé au profit de l’hôpital, mais elle doit s’accompagner d’améliorations concrètes dans les conditions d’exercice. »
Conditions de travail : au cœur des préoccupations des libéraux
Au-delà de la rémunération, ce sont les conditions d’exercice qui déterminent l’attractivité de la médecine libérale. Les généralistes souhaitent pouvoir collaborer avec d’autres professionnels et alléger leur charge administrative.
La convention prévoit notamment un soutien au déploiement des assistants médicaux, une mesure jugée essentielle pour permettre aux médecins de se recentrer sur leur cœur de métier.
Déserts médicaux : des aides financières pour encourager l’installation
À partir de janvier 2026, les médecins s’installant dans des zones sous-dotées pourront bénéficier d’aides allant jusqu’à 10 000 €, en plus de majorations spécifiques. Ces mesures visent à combler les inégalités territoriales d’accès aux soins.
Cependant, Patrick Hassenteufel reste prudent : « Ces dispositifs existent depuis près de 20 ans et leur efficacité est limitée. Les choix d’installation dépendent surtout de la proximité avec le lieu de naissance ou de formation. »
Zones sous tension : des réalités variées
Si les déserts médicaux concernent encore les zones rurales, ils touchent aussi des villes moyennes et périurbaines. Une étude de l’Insee qui porte sur les médecins généralistes formés entre 2000 et 2010 montre qu’ils s’installent en priorité à moins de 80 km de leur commune de naissance et à moins de 40 km de leur lieu d’internat. Les jeunes médecins préfèrent souvent les grandes agglomérations, plus attractives sur le plan personnel et professionnel, mais éloignées des besoins de santé les plus criants.
Démographie médicale : des perspectives à long terme
Le numerus clausus, bien qu’assoupli, continue de limiter le nombre de médecins formés en raison des capacités des universités. Les effets de son abolition partielle ne se feront sentir qu’à partir de 2030, une échéance qui laisse encore plusieurs années de tension démographique.
Un appel à une réforme globale
Pour les médecins libéraux, ces évolutions montrent une volonté de reconnaître leur rôle essentiel, mais elles ne suffiront pas à rendre l’exercice pleinement attractif. Une meilleure répartition des tâches, des collaborations renforcées avec d’autres professionnels et un soutien accru à l’installation restent des priorités pour répondre aux attentes des praticiens et aux besoins des patients.
Source : France Culture, d’après propos recueillis par Antoine Dhulster