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Le témoignage éclairé d’une patiente médecin.

Touchée par la forme aigüe lors de la première vague en mars 2020, cette neurologue de Montpellier ne s’est jamais vraiment remise depuis près de 18 mois et souffre encore d’asthénie, d’anosmie et de toux persistante.

Vous êtes médecin et donc également patiente atteinte du Covid ?

Oui, je suis neurologue, j’ai fait la phase aiguë en standard, fin mars, début avril 2020, lors de la première vague. J’ai eu pendant un week-end frissons et courbatures importantes. Et quelques jours après j’ai commencé à tousser et à avoir des symptômes respiratoires, au même moment où Boris Johnson était hospitalisé parce qu’il avait une aggravation à 10 jours – et je ne savais même pas que ça existait. J’ai appelé mon généraliste qui m’a mise en arrêt pour Covid. Je suis célibataire. Je me suis douchée, c’était déjà un effort ! Faire le test PCR était compliqué, il y avait encore des files d’attente énormes, et ce n’était pas obligatoire dans les conduites à tenir, je n’y suis jamais allée. Le week-end suivant a été difficile, la toux augmentait, c’était très impressionnant, très inflammatoire, on sent que quelque chose flambe.

Le week-end passé, j’ai été en congé maladie durant 5 semaines. J’ai repris dès que je pouvais, en gardant l’asthénie, la toux à l’effort, des courbatures, des troubles de la sudation, etc. Un symptôme que j’avais négligé en tant que neurologue, c’est l’hyposmie. Je me suis dit : « je tiens jusqu’aux vacances »… et les vacances n’ont pas été des vacances (canapé…). C’est difficile parce qu’on ne sait pas ce qu’il se passe. Ce n’est pas très connu, on est fatigué, on dit qu’il n’y a rien à faire… On se sent un petit peu abandonné.

J’ai donc retravaillé, en me couchant très tôt – 20h le soir et les week-ends.  J’ai fait une autre poussée, respiratoire, en décembre 2020. Alors que je n’avais jamais eu aucune maladie respiratoire auparavant, je toussais à nouveau énormément, et la fatigue augmentait, j’avais de nouveau une hyposmie – qui reste mon repère en fait. De nouveau une dizaine de jours de repos, et puis il y a eu la vaccination en janvier. Neuf mois après le Covid initial je n’avais plus d’anticorps. À ce moment-là, par contre, des symptômes que j’avais en permanence ont disparu. Comme si la vaccination avait eu un effet ! La myalgie (les courbatures), la fatigue, l’hyperdusation ont disparu. Avec les deux injections, j’ai éprouvé une impression d’amélioration.

En avril, j’ai été cas contact d’un patient positif. J’ai refait une réactivation bronchitique, avec une toux au moindre effort et un arrêt maladie de deux semaines. Le bilan comprenant la RTPCR était négatif, ce qui est courant sur les Covid longs. Comme je suis médecin, je le vérifie à chaque poussée. J’ai eu du mal à arriver aux grandes vacances. J’ai travaillé d’avril à fin juillet, la dernière semaine je toussais beaucoup, quand je montais les escaliers. Pour finir, j’ai fait une quatrième poussée pendant mes vacances. Je suis en congés actuellement. De nouveau avec le même type de manifestations (toux à l’effort, fatigue, et l’odorat qui diminue). Une fois de plus, les tests sont négatifs, cela semble caractériser le Covid long.

Quand je suis en face de patients, je garde le masque, je le garde tout le temps, je respecte les gestes barrières… je fais le maximum qu’on puisse faire.

Rencontrez-vous d’autres Covid longs dans votre pratique ?

Non, du fait de l’âge moyen de mes patients.

Quel genre d’aide vous faudrait-il ? Qu’est-ce que vous attendez maintenant ?

Faire une pause suffisamment longue pour pouvoir me réhabituer à l’effort. Mon travail ne me le permettait pas. J’ai acheté un vélo d’appartement mais il prend la poussière ! C’est sûr que les taches sont toutes plus compliquées… il faut que je me réhabitue en termes d’activités physiques et d’effort. Morphologiquement, il n’y a rien. Je n’ai pas de fibrose ni d’embolie pulmonaire. J’ai une anomalie des échanges gazeux, il n’y a pas d’anomalie biologique… je ne cours pas après la médecine, mais je pense que je tire sur la corde. Le sentiment que j’éprouve, c’est que je n’ai pas le temps de faire une pause assez longue pour être en état de reprendre dans de bonnes conditions. J’ai toujours une intolérance à l’effort : hier, j’ai marché 10 minutes, et je tousse pendant trois quarts d’heure… alors que j’ai fait beaucoup de tennis. 

Et sur le plan des dispositifs médicaux ? Il vous manquait des interlocuteurs ?

Je me suis peut-être mise dans ma bulle… en avril, à la deuxième poussée de ce Covid long, je pensais que c’était une bronchite hivernale, je ne « psychotais » pas sur ce Covid long. Si je n’avais pas eu le repère de la perte d’odorat, j’aurais pensé « tu tousses, point barre ». Le pneumologue m’avait donné le nom d’un confrère qui travaille autour du Covid long mais je n’ai pas pu y aller. Je me suis renseignée auprès d’un autre confrère spécialiste en maladies infectieuses qui m’a dit qu’il n’y avait rien à faire. Il m’a conseillé une référente en médecine interne, pour savoir si je ne développais pas une maladie chronique.

On devrait être aidé au quotidien, en termes de ménage etc. Et avoir droit à un arrêt qui permette d’enclencher une rééducation. L’impact sur la vie est très fort. Je ne veux pas me plaindre, il ne faut pas oublier les patients qui ont subi une forme très grave avec hospitalisation et réanimation. Ce la peut justifier que cette forme longue se soit pas très reconnue. Apparemment, c’est plutôt des femmes de 50 ans, j’ai entendu plusieurs reportages qui m’ont énervé, qui disaient que c’était potentiellement des dépressions larvées… c’est vrai que je n’ose pas vraiment en parler alors qu’il y a des impacts importants. C’est une maladie globalement mal vue… Je ne sais même pas si un Covid long supprime les délais de carence sur le salaire… dans le style professionnel qui n’est pas informé du tout, je suis la championne !

Propos recueillis par Pierre Lasry

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