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Michel Combier, président de l’URPS ML Midi-Pyrénées de 2000 à 2002

Michel Combier Médecin généraliste à Toulouse (31) Président de l’URML Midi-Pyrénées de 2000 à 2002

Parmi les missions souvent mal connues de l’union que vous avez présidée, quelles sont celles qui vous paraissent de nature à devoir être mises en avant pour une meilleure reconnaissance du travail que réalise cette union ?

Docteur Combier : La reconnaissance, c’est toujours compliqué. Il faut arriver à intéresser les confrères, et ce qui intéresse les confrères, c’est leur vie quotidienne. Et l’URPS, effectivement, peut s’occuper de la vie quotidienne. C’est ce qu’elle a fait par exemple, avec le dispositif de soins partagés de psychiatrie, qui permet de répondre à des difficultés qu’ont les médecins traitants pour faire prendre en charge leurs patients psychiatriques. Son rôle est également de voir à long terme l’évolution des professions, d’accompagner les nouveaux modes d’exercice, comme la téléconsultation, qui ne rentrent pas immédiatement dans les priorités du médecin de base, qu’il soit généraliste ou d’autres spécialités. Quel a été le point fort de votre mandat ? Docteur Combier : Tout d’abord, il faut rester modeste. Il n’y a pas de point fort visible à l’extérieur. Dans ma mandature, ou du moins dès le début, j’ai essayé de faire travailler tout le monde ensemble. Parce qu’avant, les gens se regardaient un peu en chien de faïence. J’ai essayé de faire travailler tous les élus dans leur diversité, ce qu’ont fait ensuite Jean-Louis Bensoussan, puis Maurice Bensoussan. Et j’espère que ça continuera maintenant avec la nouvelle équipe ! Quel dossier vous a le plus tenu à cœur ? Ou celui que vous n’avez pas pu faire aboutir ? La séquence a été courte, de 2000 à 2002. Par la suite, j’ai eu des fonctions nationales syndicales, et j’ai démissionné. Je n’ai pas voulu cumuler les deux mandats afin qu’il n’y ait pas de confusion. Un point m’a tenu à cœur cependant : lorsqu’on a créé le médecin traitant, avec mes collègues de MG France et d’autres syndicats, nous avons eu l’intelligence de ne pas écrire « le médecin traitant sera le médecin généraliste ». C’est un peu ce que je disais sur la formation des gens, il n’y en a pas eu besoin. ONous nous sommes dit : les gens choisiront leur médecin traitant, ce qui leur va le mieux. Et dans 90 % des cas, ils ont choisi le médecin généraliste. Parfois, il faut savoir faire confiance au bon sens de ceux qui vont avoir accès au système. Nous avons évité que tous les spécialistes disent « ce n’est pas juste, etc. ». Nous n’avons pas écrit sur la convention « le médecin traitant sera le médecin généraliste » et cela a évité les guerres picrocholines et inutiles. Tout le monde a accepté, par excès ou par défaut, que le médecin traitant soit médecin généraliste. Et depuis, dans les URPS, cette réalité persiste. La deuxième chose, c’est qu’au niveau des URPS, je regrette qu’il y ait deux collèges. Pour moi, c’est évident – je sais que ça en vexera certains – mais nous sommes tous médecins. Certains sont des médecins d’organes ou de spécialités, et d’autres sont des médecins de la spécialité médecine générale. Donc je ne vois pas pourquoi il y a plusieurs collèges pour les élections URPS. Cela fait comme si la médecine générale était une spécialité qu’on garde au chaud comme dans une réserve indienne, alors que c’est le même collège. La médecine générale n’a rien à faire dans une réserve indienne. C’est du détail syndical qui n’a pas beaucoup d’importance, mais qui permet de montrer que de vieux réflexes perdurent encore.

Je voudrais vous questionner sur ce que vous pensez aujourd’hui de l’exercice libéral. Et aussi connaître votre réflexion sur la démographie médicale.

Premièrement, il faut être là aussi très modeste, puisque je n’exerce plus. Je suis à la retraite, cela doit arriver à un moment ou un autre ! L’exercice libéral, c’est ce que les médecins libéraux en font et en feront. C’est-à-dire que les gens veulent des médecins, relativement disponibles, qui soient spécialistes de médecine générale ou spécialistes d’autres spécialités. Si ce sont des médecins traitants, ils préfèrent avoir un médecin traitant présent plutôt qu’absent. Et la difficulté de la démographie, c’est de trouver des médecins qui veulent s’engager dans ce travail de médecin traitant. C’est difficile actuellement. Mais je pense que le monde ayant horreur du vide, les choses se stabiliseront. C’est toute une organisation qu’il faudra mettre en place progressivement dans l’avenir. Il y a deux choses : le service de santé, qu’il soit libéral ou qu’il soit public et l’utilisation de ces services de santé. Je crois qu’il n’y a pas eu assez de formation à cette utilisation auprès des patients et auprès des médecins. Ma génération est un peu responsable de cela, de ne pas avoir su dire non. Nous étions un tant soit peu taillables et corvéables à merci, nous ne comptions pas nos heures, on travaillait. Et c’est vrai qu’aujourd’hui, on voit les jeunes auprès de nous travailler différemment. Ce n’est pas aux dépens de la santé des gens ! Ils pensent un petit peu plus à leur propre équilibre et ils ont raison. Parce que pour bien soigner les gens, il faut être en bon état mental et être bien dans sa famille, être bien dans son milieu… Je ne suis pas pessimiste. J’entends dire : « oui, il n’y aura plus de médecins, il n’y aura plus d’infirmières, il n’y aura plus personne… ». Je ne crois pas au désert médical généralisé. C’est plus facile certainement en ville, plus difficile dans les zones rurales, mais on se rend compte qu’il y a des choses qui s’organisent quand même. Parfois la ruralité commence à cinq kilomètres de la grande ville !

Vous brossez un portrait de la corvéabilité des médecins de votre génération, par rapport aux exigences de la nouvelle génération qui dessine un changement. Mais alors, quelle sera la place du médecin libéral dans ces nouveaux paradigmes ?

La place du médecin libéral, c’est toujours la même, on ne va pas réinventer l’eau tiède. Je pense que médecin libéral, comme je l’ai dit tout à l’heure, doit occuper sa place. C’est à lui de choisir ce qu’il veut faire et ne pas se plaindre si, pour une place qu’il n’occupe pas, quelqu’un d’autre s’y met ! Parfois des professions avec moins de pertinence que lui (parce que pas formés à cela, parce qu’avec moins d’années d’études…) et puis aussi le service public qui prend la place ou encore demain, des sociétés plus ou moins lucratives, comme on a pu le voir avec les maisons de retraites, qui monteront des cabinets avec des médecins salariés. Médecins salariés qui, de toute manière, peuvent vouloir un degré de liberté. Et là, cette liberté chérie sera dans les mains d’un directeur.

C’est un scénario qu’on peut imaginer ?

Tous les scénarios sont possibles. Comme il y a du vide, on comble le vide comme on peut. On le voit bien avec les maisons de retraite, c’est symptomatique. Je pense d’ailleurs que quand ces institutions publiques ou privées (je pense aussi aux mutuelles) prendront en main le problème, elles parviendront à en tirer des bénéfices, et suffisamment d’argent pour rendre le financement attractif ! Donc c’est à nous d’éviter cela ! Et l’éviter, c’est d’abord penser à son « entreprise médicale » – je n’aime pas trop le terme – mais à rendre prospère sa boutique médicale. Il n’y a aucune raison qu’un médecin ne gagne pas sa vie correctement et ne puisse pas non plus être aidé dans son organisation. Il y a beaucoup de choses qui sont arrivées, qui ont été faites, à commencer par les forfaits médecins traitants, tous les compléments de revenus, qui viennent complémenter les honoraires, de manière à pouvoir s’organiser pour répondre le mieux possible, non pas aux demandes, mais aux besoins de la population. Là aussi, je crois que l’éducation des gens, c’est « la demande ». Toute demande est-elle un besoin de santé ? Par exemple, je toussote le matin, j’ai besoin d’un arrêt de travail. Est-ce que c’est une demande qui nécessite une consultation dans les dix minutes ? J’ai eu cette discussion récemment avec ma fille. « Si on ne peut pas aller travailler, il faut qu’on ait un papier. » C’est vrai, c’est un problème aussi qui peut se voir à d’autres niveaux (rapport salarié-entreprise). Pendant la crise du Covid, par exemple, ce qui n’est pas pour moi une bonne chose, mais bon, ça a été fait : les gens avaient le droit de se faire un arrêt de travail en ligne, sans voir un médecin. Cette formule a ses limites, dans un financement qui est quand même verrouillé.

Est-ce que vous ressentez aussi des raisons d’espérer pour votre profession ?

D’abord, les raisons d’espérer pour les généralistes, quand on a été maître de stage, c’est qu’il y a une génération qui est intéressée par son métier, et qui a envie de servir. Je n’ai eu aucun stagiaire qui regrettait d’arriver le matin de bonne heure – car je commençais tôt – et de partir relativement tard, parce qu’on ne voit pas les mêmes patients aux mêmes heures. C’était la pleine liberté, ils n’étaient pas obligés de faire le temps de travail que je faisais. J’ai l’impression tout de même qu’ils sont intéressés par leur métier et que, petit à petit, les choses s’équilibreront. Puis ils grandiront, ils auront besoin de faire leur vie et leur vie dépendra de leur temps de travail. Les honoraires permettent d’avoir une certaine productivité. L’autre jour, j’étais chez mon oncologue qui me dit « On n’est pas assez nombreux ! » Et je n’ai pas pu m’empêcher de lui dire : « Vous savez, je n’ai pas l’impression à l’hôpital que le nombre fasse la productivité. » Et il m’a répondu : « Vous avez raison ».

Les raisons d’espérer tiennent-elles à la motivation et à la beauté du métier ?

La motivation, la conscience professionnelle des jeunes générations. Ils ont une conscience professionnelle. Il faut voir la tête qu’ils font quand ça se passe mal, ou pas trop bien, pour un patient ! Ce sont des gens qui sont des médecins ! Ils portent vraiment le serment d’Hippocrate à bout de bras.

Qu’avez-vous envie de dire à vos jeunes confrères ?

Répondez. Soyez présent. Et soyez présent dans le paysage de la médecine. Qu’on sache que le médecin traitant, généraliste, est là et à ses côtés, les médecins des autres spécialités aussi bien dans le public que dans le privé conventionné. Et quand on est médecin traitant, qu’on le veuille ou non, on passe un accord moral, au moins moral, ou uniquement moral d’ailleurs, avec les patients. Et de plus, je peux leur dire : n’hésitez pas à leur faire comprendre que tout n’est pas possible. Il faut savoir former à l’utilisation du système de soins, c’est aussi un peu notre rôle.

Michel Combier nous avait donné cet entretien le 16 juin 2022 pour contribuer un ouvrage collectif des présidents de l’URPS Médecins Libéraux. Michel Combier est décédé le 9 mai 2023 à Toulouse

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