« On ne souhaitait pas que le cahier des charges de la PDSA se place à un niveau régional. On a préféré que ce soient les acteurs départementaux eux-mêmes qui s’en saisissent ! »
Les discussions sur le cahier des charges de la Permanence des soins ambulatoires ont été extrêmement laborieuses pendant près de deux ans. L’URPS et l’ARS n’avaient pas la même vision des choses. Pour débloquer une situation compliquée, il suffit parfois d’un petit événement (un renversement de perspective : quitter le régional pour aller vers le départemental). Mais c’est aussi une question d’hommes. Des changements au niveau de l’ARS avec en particulier la nomination au début de l’été 2018 de Pascal Durand comme directeur du premier recours a très certainement modifiée la donne. Le cahier des charges a été enfin publié et effectif le début du mois dernier. Le dialogue s’est ouvert, avec la prise en compte de la position de l’autre et des responsabilités confiées aux acteurs. Du chemin reste à faire et l’un des pilotes s’explique dans nos colonnes.
MÉDECIN D’OCCITANIE. Le cahier des charges régional de la permanence des soins ambulatoires a été publié fin février pour une mise en application le 1er mars dernier ? Comment vous pourriez définir cette dernière version du cahier des charges après deux ans d’atermoiement ?
Pascal Durand. Notre cahier des charges est un cadre dans lequel les acteurs locaux doivent adapter l’organisation de la PDSA au niveau de chaque département en fonction de leur contexte à la fois géographique et démographique. 2019 pourrait être considéré comme une année de transition parce que nous avons reconduit beaucoup d’éléments étudiés dans chacun des départements jusqu’à la fin de l’année 2018. Nous ne sommes pas dans une mise en application du rééquilibrage financier qu’on a réalisé entre les départements. La trajectoire sur laquelle chacun des départements doit se positionner commencera réellement à partir de 2020. Ce qui fait qu’en 2019, nous avons trois séries de travaux à mener.
La première série est de réfléchir, sur le terrain dans chacun des départements, à l’adaptation de l’organisation aux moyens qui seront donnés pour se mettre dans cette trajectoire 2020 – 2022. Si l’enveloppe régionale globale ne change pas par rapport à celle de l’année dernière, de nombreuses possibilités sont données aux départements pour dégager des marges de manœuvre. Et dans le rééquilibrage que nous avons opéré, il y a beaucoup de départements qui auront des moyens supplémentaires par rapport à ce qu’ils avaient jusqu’à présent. D’autres ont des moyens inférieurs mais dans leur mode d’organisation, c’est la même chose, des marges de manœuvre sont là. On ne souhaitait pas actionner ces rééquilibrages au niveau régional, on a préféré que ce soit les acteurs départementaux eux-mêmes qui s’en saisissent pour trouver la meilleure voie.
Le deuxième sujet est le chantier de l’évaluation. Nous nous sommes engagés avec l’URPS à travailler différemment, et notamment à mettre en place un monitoring, une sorte de surveillance régulière, tous les ans, sous la forme d’une évaluation co-construite au niveau régional par l’ARS et l’Union régionale des médecins. Nous allons entamer une série de séances de travail à partir de la mi-avril et ce jusqu’à la mi-juin pour définir le cahier des charges régional de l’évaluation tant au niveau régional que départemental. Car cette évaluation sera confiée à un prestataire externe pour la plus grande objectivité possible.
Le troisième chantier est celui de la communication : nous devons nous donner les moyens d’expliquer à la population comment la permanence des soins s’organise.
Comment vos interlocuteurs de l’URPS ont-ils accueilli cette publication ?
Pascal Durand. On a beaucoup travaillé en amont avec les représentants de l’URPS. Notamment sur la fin de l’année 2018 et le début de l’année 2019 pour échanger sur les dernières versions du cahier des charges que nous avions établi et écouter toutes les remarques. On en a retenu et pas d’autres. Mais on ne ferme pas la porte à ce que des évolutions soient possibles pour les années suivantes. Nos échanges ont été partagés de manière assez fine avec l’URPS médecin. En effet à partir de l’automne, nous sommes partis sur une base complètement différente : nous n’avons pas souhaité être prescriptifs sur les modalités d’organisation au niveau régional. Nous avons laissé complètement tomber l’idée d’une homogénéisation des modalités d’organisation au niveau de l’Occitanie, en se disant que l’historique et les réalités démographiques et géographiques étaient tellement différentes. Nous n’étions pas en mesure d’homogénéiser quoi que ce soit de manière intelligente. Donc on s’est plutôt rabattu sur le fait de définir au niveau régional des principes forts d’organisation sans rentrer dans les détails des modalités. Car, dès qu’on rentrait dans les détails, la discussion patinait, dans la mesure où les revendications étaient très disparates d’un département à l’autre. En souhaitant conserver notre position d’Agence Régionale de Santé, nous voulions rester garant de l’équité de traitement au niveau de chacun des départements en matière de moyens alloués aux acteurs pour faire fonctionner la permanence des soins. Une PDSA qui, je le rappelle, est toujours basée sur le volontariat des professionnels de santé. Le deuxième principe fort qui a présidé notre réflexion est d’affirmer qu’il n’y a pas mieux positionnés sur le terrain que les professionnels de santé pour déterminer les modalités d’organisation qui leur semblent le plus adéquate. Bien entendu dans le respect des principes généraux qui reprennent les termes de la réglementation. Nous n’avons rien inventé.
On vous a reproché que votre budget soit bloqué sur l’ensemble de la région à 20 millions d’euros. Pensez-vous que ce reproche va perdurer ?
Pascal Durand. Oui forcément Ce sont des choses qu’on a entendues et qu’on continue d’entendre : pour certains professionnels, la PDSA représentait et représente des compléments de revenus. Et même si ce n’était pas une compensation matérielle uniquement basée sur des objectifs pécuniaires, c’est aussi une forme de reconnaissance d’accepter de travailler dans des conditions difficiles dans des secteurs où, par exemple, la démographie est déclinante. En acceptant de travailler ainsi, les médecins veulent être pris en considération, au moins symboliquement. Nous en avons tenu compte dans notre équilibrage des enveloppes départementales : on a fait une base de répartition équitable sur des critères très simples de population et de géographie ; mais en se fondant sur cette base nous avons majoré l’enveloppe de 5 à 10% sur les départements pour lesquels il y avait des problèmes de démographie médicale avérée. Notre volonté n’est pas de faire quelques économies, et on voit bien, au moins en se comparant à d’autres régions, que les moyens sont aujourd’hui haut sur la table régionale.
Il ne s’agit pas pour nous de faire des économies mais de créer une dynamique pour l’affichage en direction de la population de sa prise en charge médicale. Cet affichage de l’organisation des soins n’appartient pas qu’à l’ARS, il appartient aussi aux médecins libéraux qui irriguent l’offre de soins sur les territoires. On souhaite que cette responsabilité partagée se traduise concrètement dans la façon dont on gère cette organisation des soins. Aujourd’hui, c’est avec le cahier des charges de la PDSA, demain ça sera avec les CPTS.
Dans certains départements comme la Haute-Garonne, la population augmente et l’enveloppe n’augmente pas. Comment accompagner dans ce cas précis l’augmentation de la population ?
Pascal Durand. Avec les enveloppes actuelles, on devrait pouvoir tenir pour les quatre années qui viennent. Si on doit réévaluer les enveloppes à la hausse notamment sur des départements où la démographie est dynamique, évidemment on prendra en compte cette hausse.
Vous semblez plutôt satisfait de cette publication du cahier des charges pour les cinq ans à venir, et vous pensez que le choix départemental reste donc le bon choix ?
Pascal Durand. Nous sommes satisfaits de nous être engagés dans une nouvelle dynamique. Nous avons dépassé les blocages. La dynamique et le sens qu’on a essayé de donner à cette dynamique, notamment en partenariat avec l’URPS mais également avec les ordres départementaux, méritaient d’être tenté par les différents acteurs du système de soin. La solution absolue, parfaite, personne ne la trouvera dans une région aussi grande, aussi disparate que la nôtre. La solution peut être trouvée uniquement à un niveau proche du terrain et par les professionnels eux-mêmes. Effectivement, il fallait que les uns et les autres acceptent, malgré tout, le cadre régional de travail dans lequel on s’était placé, le plan financier mais aussi les principes d’organisation qu’on avait fixés. Donc il s’agit d’un équilibre à trouver entre une autonomie au plus proche du terrain et un cadre régional qui garantit l’égalité de traitement pour la population.
La nouveauté du cahier des charges était de ne pas considérer que l’ambulatoire prenait des décisions seul, de son côté et n’en informait personne et que tout pouvait se faire par défaut. Nous demandons de rendre cohérent, dans une approche collective, cette organisation de prise en charge entre les différents acteurs de santé qu’ils soient ambulatoires ou hospitaliers. Cela ouvre la voie à ce que, demain, dans les fameuses communautés professionnelles territoriales de santé, on puisse avoir une approche globale et coordonnée de la question de la prise en charge des soins non programmés et que cela soit en période de PDSA ou hors période de PDSA. D’ailleurs on s’accorde avec l’URPS à considérer que la PDSA est de moins en moins un sujet en soi. Il faut plutôt avoir une vision globale de l’exercice médical : des médecins qui parfois dans un certain nombre de zones sont fatigués de leur travail quotidien la journée, il est donc nécessaire de trouver un équilibre d’ensemble entre les soins programmés et les soins non programmés qui se situent la nuit ou même le jour. Et cette approche d’ensemble a priori devrait pouvoir être apportée dans le cadre des futures CPTS.
Propos recueillis par Luc JACOB-DUVERNET